💡 L’innovation ne se limite pas aux annonces spectaculaires ni aux start-ups en lumière.

Dans cet article, Mustapha Derras, conférencier et expert en innovation, nous montre comment de petites actions peuvent transformer profondément le quotidien des entreprises. Découvrez le concept des « innovateurs discrets » et comment l’innovation peut émerger dans vos pratiques quotidiennes.
L’innovation est souvent le théâtre d’annonces spectaculaires, de mises en scène de startups présentées comme audacieuses, de valorisations de figures charismatiques et médiatiques. Elle se nourrit quotidiennement d’une esthétique de la performance et du bruit assourdissant de sa séduction trompeuse. Pourtant, beaucoup d’entreprises, de solutions ou de personnages ainsi célébrés dans de grands salons et par des conférences internationales, produisent des effets limités et rarement accessibles. À l’inverse, les révolutions discrètes des usages métiers essentiels s’opèrent loin du tumulte, souvent dans l’effacement. Elles transforment sans fracas ni projecteurs et ne célèbrent pas l’exceptionnel au détriment de l’essentiel.
Dans « L’innovation ordinaire », Norbert Alter déconstruit cette vision de l’innovation, centrée sur des figures d’exception ou des entreprises d’élite. Il propose au contraire de penser l’innovation comme un phénomène émergent et socialisé, au sein même des pratiques les plus quotidiennes. Il démontre que contrairement aux idées reçues, l’innovation ne née pas d’une idée géniale, mais d’un décalage dans la pratique, d’un écart discret introduit dans une routine, d’une invention d’usage qui, pour être durable, doit être reprise, reformulée et acceptée collectivement. Au cœur de ce processus, il y a des acteurs que Norbert Alter qualifie « d’innovateurs discrets ». Ils ne portent pas de titre, sont invisibles, mais prennent des risques, détournent des règles, transgressent avec discernement, et surtout, font circuler l’innovation. Leur action est d’abord pragmatique, motivée par un besoin d’ajustement. Norbert Alter insiste d’ailleurs sur le fait que l’innovation engendre du désordre, dérange et crée des tensions avec les normes en place, des conséquences qui ne sont jamais médiatisées. L’entreprise cherche à les contenir, à les normaliser en gérant à la fois la déviation et la réinvention, la désorganisation et la reconfiguration. Les innovations qui durent sont alors celles qui sont narrées, portées et interprétées dans des relations de confiance. Elles circulent par des formes de dons et contre-dons, par des échanges informels, des reconnaissances mutuelles et des jeux d’alliance implicites. Pour Norbert Alter, le sens de l’innovation ne préexiste pas à son usage, il émerge dans l’interaction, au fil des expériences collectives.
Le spectacle de l’actualité efface à tort celles et ceux qui innovent en dehors des sentiers battus. Leurs pratiques ne correspondent pas au récit dominant et galvaudé de l’innovation, ce qui nourrit une forme de « complexe d’imposture » fait de doutes et de silences. Ce doute est pourtant le symptôme d’une vigilance éthique poussée, d’une capacité avancée de discernement, d’un potentiel très développé à s’interroger sur le fond plutôt que sur la forme. Ce que masque cette situation, c’est une lucidité pragmatique née de la confrontation aux contraintes du terrain qui valident par les actes la véritable innovation, qui dure, qui s’installe, qui s’exécute, exigeante, ancrée et située. Face à l’illusion d’un monde peuplé d’innovateurs héroïques, la réalité est faite de pratiques ordinaires et transformatrices. L’enjeu n’est donc pas d’impressionner, mais de répondre à des besoins concrets. Repenser l’usage d’un camping municipal, optimiser un parc d’imprimantes, ajuster une chaîne logistique à des contraintes locales, voilà autant d’exemples d’innovations tangibles. Elles ne sont ni spectaculaires ni entendues, mais elles transforment l’activité, améliorent l’usage, produisent du sens. Elles sont tout aussi déterminantes que les grandes annonces stratégiques. Leur efficacité ne tient pas à leur visibilité, mais à leur capacité à agir sur ce qui compte.
Si vous transformez un processus, adaptez une méthode, initiez une amélioration discrète et pertinente, vous innovez. Vous tâtonnez, vous ajustez, vous contournez l’existant et expérimentez dans la contrainte, vous innovez. Ce sont autant de gestes qui vous semblent naturels mais demandent courage et finesse, car ils relèvent de ce que l’on peut qualifier de « lucidité opérative ». Il s’agit d’une disposition à voir clair dans l’action, à comprendre ce qui fonctionne sans grandes théories, à créer sans en faire un événement. Une intelligence palpable de l’ajustement et de l’impact, qui ne cherche ni reconnaissance ni rupture.
Entre ce qui est déjà là et ce qui pourrait advenir, votre démarche ouvre concrètement le chemin à la reformulation, à la discussion partagée et devient une force créatrice. Vous faites partie de celles et ceux qui innovent vraiment sans jamais être de ceux que l’on montre. À l’opposé des modèles héroïques, l’innovation que vous pratiquez est un travail de tous les jours. Elle est distribuée, collective, ancrée dans l’expérience et dans nos territoires. Elle ne brille pas, mais elle éclaire. Elle ne cherche pas à convaincre, mais elle transforme. Elle ne s’impose pas, elle s’exerce. C’est là que réside sa véritable force.
🖊️ Article proposé par Mustapha Derras, conférencier et conseil en innovation chez Innascence Conseil.
Vous vous reconnaissez dans ces « innovateurs discrets » ?
Pour aller plus loin, venez partager vos expériences et découvrir des exemples concrets lors de la première séance du cycle :
L’innovation décryptée pour vous : épisode 1 – Qui innove ? 🚀
📝 Au programme : échanges interactifs, exemples métiers et identification collective d’innovations discrètes mais efficaces.




